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Alfred Tzaut

Directeur fondateur controversé de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (CNA/Suva), Alfred Tzaut (1868-1938) mène dans les années 1920 et au début des années 1930 une politique de primes et de dépenses aussi restrictive qu’impopulaire.

Tzaut est issu d’une famille bourgeoise lausannoise ; son père est professeur de mathématiques. Après ses études d’ingénieur, il quitte la Suisse afin de participer à la construction de tunnels de chemin de fer en Amérique du Sud. A son retour, il ouvre un bureau d’ingénieurs à Lausanne. Il est ainsi confronté aux caisses de prévoyance professionnelle en tant qu’employeur. En 1909, il reprend la présidence de l’Assurance mutuelle vaudoise, une société d’entraide fondée en 1895. C’est à ce titre qu’il s’engage en 1912 dans la campagne de votation sur la loi sur l’assurance-maladie et accidents (LAMA) qui constitue la base juridique pour la future Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (CNA/Suva). Fermement opposé au projet, il fait partie d’un groupe important de détracteurs de l’Etat social qui rejette les institutions et les réglementations sociales, en partie pour des motifs fédéralistes, en partie par crainte d’une intrusion de l’Etat dans le domaine des mutuelles privées. La loi est cependant adoptée, à une majorité assez courte (54 % de oui pour 46 % de non). Tous les cantons romands la rejettent, le canton de Vaud avec pas moins de 73 % de non.

Peu après, le tout nouveau conseil d’administration de la CNA nomme Tzaut au poste de directeur de la caisse, à la surprise d’un grand nombre de ses concitoyens. Si la direction de la caisse est confiée à un opposant déclaré de l’Etat social, c’est pour des raisons tactiques. Les responsables de la CNA sont conscients que la caisse est loin de faire l’unanimité : elle est impopulaire à la fois parmi les assureurs privés, qui perdent une partie du marché de l’assurance-accidents, parmi les employeurs, qui craignent les interventions de l’Etat dans la gestion de leur entreprise, mais aussi parmi les travailleurs, qui sont nombreux à considérer les cotisations d’assurance liées au salaire comme des baisses de salaire cachées. La mission de Tzaut est de calmer au moins une partie de l’opposition grâce à une approche conservatrice favorable aux employeurs. Cependant, les relations de Tzaut avec les travailleurs, qui sont également représentés dans le conseil d’administration de la CNA, resteront tendues pendant de longues années. En 1913, les représentants des syndicats au sein du conseil d’administration votent contre sa nomination, mais sans succès.

Dans les premières années de la CNA, Tzaut, en collaboration avec le président du conseil d’administration Paul Usteri (1853-1927), lui aussi libéral, mène une politique financière et de dépenses prudente, voire restrictive. Dès le début, la CNA fixe des primes relativement élevées, contrôle de près ses dépenses et se constitue ainsi dans les années 1920 d’importantes réserves qu’elle ne restitue aux assurés qu’au compte-gouttes. Cette politique lui sera cependant favorable après la crise économique mondiale dans les années 1930. La CNA surmonte la crise sans grand dommage et sans devoir augmenter fortement ses primes. En tant que directeur, Tzaut intensifie en particulier les efforts dans le domaine de la prévention des accidents. Grâce à cette politique qui responsabilise avant tout les employeurs, ses relations avec les syndicats se normalisent peu à peu. Pendant l’entre-deux-guerres, Tzaut s’engage aussi à l’échelle internationale, notamment en représentant la Suisse au sein de l’Organisation internationale du travail et en tant que membre du comité consultatif pour la prévention des accidents du Bureau international du travail. Il part à la retraite en 1936 et c’est Arnold Bohren qui lui succède au poste de directeur. 

Literatur / Bibliographie / Bibliografia / References: Lengwiler, Martin (2006), Risikopolitik im Sozialstaat. Die schweizerische Unfallversicherung 1870-1970, Köln. HLS / DHS / DSS: Tzaut, Alfred.

(12/2014)