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L'héritage du passé : l’organisation de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS)
L’organisation de l’AVS est complexe. Cette institution nationale est en effet gérée de façon décentralisée par des caisses de compensation cantonales et sectorielles et financée par des sources fort diverses : cotisations prélevées sur les salaires, mais aussi contributions fédérales provenant de la taxe sur la valeur ajoutée et des impôts sur l’alcool, le tabac et les maisons de jeu. Pour comprendre la structure de l’AVS, il est indispensable de se pencher sur les origines de cette institution.
L’AVS est issue du régime des allocations pour perte de salaire et de gain (APG) mis en place pendant la Deuxième Guerre mondiale. Ce régime marque de son empreinte l’AVS au plan politique, mais aussi dans son organisation. En effet, l’assurance-vieillesse en reprend à la fois le mode de financement par répartition et le système des caisses de compensation qui gèrent l’encaissement des cotisations et le versement des rentes, deux caractéristiques essentielles qui ont survécu jusqu’à nos jours.
Organisation : caisses de compensation, fonds de compensation et numéro d’assuré
La loi sur l’AVS de 1946 prévoit ainsi une compensation des recettes (cotisations) et des dépenses (rentes), qu’elle confie à des caisses. Cette compensation fonctionne à trois niveaux : l’entreprise, les caisses de compensation cantonales et sectorielles et enfin la Centrale de compensation (CdC) au plan fédéral. Déjà responsables de l’administration des caisses APG, les organisations patronales jouent un rôle important dans la gestion de la centaine de caisses de compensation, qui maintient ainsi le principe de la délégation de tâches de gestion à des organisations privées. En revanche, la CdC est une institution fédérale – dont le siège est à Genève –, issue elle aussi d’une organisation instituée par le régime des APG.
Au sein de ce système, chaque organe de compensation établit avec l’échelon supérieur un décompte des soldes qui découlent de ses recettes et de ses dépenses. Ce mécanisme permet de niveler les écarts occasionnés par la différence de structure d’âge des assurés et des bénéficiaires de rentes en fonction de l’entreprise, de la branche et de la région. Le rôle de la CdC est de garantir le fonctionnement du système de compensation au plan national et de régler les comptes avec le Fonds de compensation de l’AVS, qui détient la fortune de l’AVS proprement dite. Géré par un conseil d’administration nommé par le Conseil fédéral, ce fonds centralise aussi les contributions fédérales. Le versement des rentes AVS par les entreprises, prévu à l’origine, n’a cependant pas passé la rampe, et est confié actuellement aux caisses de compensation.
La CdC tient également un registre central des assurés, tandis que les caisses de compensation gèrent de leur côté le compte individuel de chaque cotisant. C’est pour identifier les assurés et établir leurs droits aux prestations qu’un numéro d’assuré AVS est introduit en 1948. Il est géré au début par un système de cartes perforées, puis par un système informatique. Ce numéro se compose de la date de naissance, du sexe, de la nationalité et des initiales du nom, le tout numérisé. Pour des raisons ayant trait à la protection des données, ce numéro « transparent » est remplacé en 2007 par un matricule à 13 chiffres anonyme, appelé à être utilisé aussi dans d’autres branches des assurances sociales et de l’administration.
En dépit de ce système de compensation décentralisé, l’administration de l’AVS reste légère. En 2002, les frais purement administratifs de l’AVS (premier pilier) se montent à près de 800 millions de francs, ou 134 francs par assuré, tandis qu’ils atteignent 499 francs dans la prévoyance professionnelle (deuxième pilier). Ces deux montants ne sont cependant pas tout à fait comparables en raison des différences de structure et de réglementation des deux piliers.
Financement par répartition, cotisations salariales et subventions fédérales
Depuis sa fondation, l’AVS est dotée d’un mode de financement par répartition : les cotisations perçues durant une certaine période sont affectées directement au financement des prestations versées durant cette même période, de sorte que les cotisants et les bénéficiaires de prestations ne sont pas les mêmes personnes. Une partie du revenu national est ainsi transférée en permanence des actifs vers les retraités. Contrairement au financement par capitalisation, où les actifs se constituent graduellement une rente de vieillesse en versant des cotisations, aucun capital ou presque n’est constitué. La loi prévoit ainsi que le Fonds de compensation de l’AVS doit simplement être égal au montant des dépenses annuelles de cette œuvre sociale.
Son modèle de financement et de rentes fait de l’AVS une assurance sociale solidaire depuis sa création. Elle exerce un relatif effet de redistribution entre les classes de revenus, principalement parce que les rentes sont plafonnées, alors que les cotisations sont prélevées sur la totalité du revenu. Ainsi, la personne qui perçoit un haut salaire acquitte des cotisations AVS élevées, mais touche à sa retraite au plus la rente maximale, limitée à deux fois le montant de la rente minimale AVS. En conséquence, les bas revenus perçoivent, proportionnellement aux cotisations versées, des rentes supérieures à celles des personnes aisées. Cette redistribution est toutefois largement compensée par le système dit des « trois piliers », qui permet de conserver la hiérarchie des revenus.
L’AVS est financée depuis 1948 par les cotisations prélevées sur le salaire des personnes assurées et par des contributions des pouvoirs publics, en particulier par les revenus provenant de l’impôt sur le tabac et sur l’alcool. En outre, elle perçoit depuis 1999 un pour-cent de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que, depuis 2000, les recettes de l’impôt sur les maisons de jeu. En 2011, les recettes de l’AVS proviennent à raison de 74 % des assurés, de 19 % des subventions de la Confédération, de 6 % de la taxe sur la valeur ajoutée et de 1 % des impôts sur les maisons de jeu.
Acceptée par le peuple en 2022, la réforme sur la stabilisation de l’AVS (AVS 21) relève le taux normal de la TVA de 0,4 point de pourcentage pour le porter à 8,1 % ; les recettes ainsi engrangées sont versées à l’AVS. En 2019 déjà, le projet « Réforme fiscale et financement de l’AVS » (RFFA) avait permis à l’AVS de réaliser des recettes supplémentaires via l’augmentation de la contribution fédérale, le relèvement du taux de cotisation AVS et la TVA. En 2023, 73 % des recettes de l’AVS provenaient des cotisations des assurés et de leurs employeurs, 20 % des subventions de la Confédération et 7 % de la taxe sur la valeur ajoutée et des impôts sur les maisons de jeu.
En 1948, les cotisations à l’AVS s’élèvent à 4 % du salaire des assurés et sont déjà acquittées par l’employeur et le salarié à raison d’une moitié chacun. Du fait du développement de l’AVS, ce taux passera, entre 1969 et 1975, à 8,4 % (7,8 % pour les indépendants). Par la suite, il restera inchangé jusqu’à la mise en œuvre de la RFFA, acceptée en votation populaire en 2019. En 2020, le taux standard de cotisation à l’AVS passe à 8,7 %, les cotisations continuant d’être réparties à parts égales entre l’employeur et le salarié.
La première loi sur l’AVS établit des montants fixes pour la Confédération et les cantons : 160 millions de francs par an, dont les deux tiers à la charge de la caisse fédérale. Ce montant provient en particulier des impôts fédéraux sur l’alcool et le tabac. En 1963, la 6e révision de l’AVS fixe à au moins 20 % des dépenses de l’AVS la contribution des pouvoirs publics. Toutefois, les Chambres fédérales opèrent en 1975 une coupe claire dans les subventions fédérales, en réaction à l'effondrement de la conjoncture, avant de les relever graduellement jusqu’au milieu des années 1980. Finalement, le nouveau régime de péréquation financière de 2008 ôte aux cantons toute responsabilité en matière de financement de l’AVS. Depuis cette date, la contribution de la Confédération équivaut à 19,55 % des dépenses de l’œuvre sociale.
Jusqu’au milieu des années 1970, les recettes de l’AVS sont généralement supérieures aux dépenses. L’augmentation des salaires et le relèvement des taux de cotisation à compter de 1969 permettent d’étoffer les prestations. Depuis les années 1980, les recettes sont à nouveau supérieures aux dépenses, à l’exception de la seconde moitié des années 1990 – le Fonds de compensation de l’AVS est alors inférieur aux dépenses d’une année – et des années 2002 (éclatement de la bulle Internet) et 2008 (crise financière). Après un transfert de capital à l’AI, le compte en capital de l’AVS avoisine les 40 milliards de francs en 2011. La même année, les recettes s’élèvent à 39 milliards de francs (y compris le produit du capital) et les dépenses à 38 milliards.
Literatur / Bibliographie / Bibliografia / References: Binswanger, Peter (1986), Geschichte der AHV, Schweizerische Alters- und Hinterlassenenversicherung, Zürich; Bundesamt für Sozialversicherungen (2005), Vergleich zwischen der AHV und der beruflichen Vorsorge (BV) aus wirtschaftlicher Sicht (Forschungsbericht 5/05), Bern; Website Bundesamt für Sozialversicherungen: www.bsv.admin.ch.
(12/2015)