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1848-1890

Pauvreté et politique sociale avant le développement des assurances sociales

Avec l’industrialisation, la croissance urbaine et l’augmentation générale de la population au XIXe siècle, de nouvelles formes de pauvreté et de détresse sociale font leur apparition. Elles sont jugées particulièrement graves, au point que la « question sociale » domine de plus en plus les discussions au sujet du rôle de l’Etat.

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Entre la fondation de l’Etat fédéral en 1848 et le tournant du siècle, la Suisse s’industrialise. Cette industrialisation va de pair avec un accroissement de la population, qui passe en 40 ans de 2,4 à 3,3 millions d’habitants. Ce contexte amène des hommes et des femmes à quitter la campagne pour venir travailler en ville, dans l’industrie et l’artisanat. Zurich, Bâle et Genève deviennent des centres économiques. Les murs des villes sont démolis et de nouveaux quartiers voient le jour. L’ordre économique libéral et les innovations techniques favorisent la construction de lignes de chemin de fer et de fabriques. L’industrie des machines et celle du textile jouent un rôle économique de plus en plus important. Le commerce extérieur connaît un essor florissant et un secteur de services moderne (banques, assurances) se constitue progressivement.

Cette évolution n’est pas sans conséquences. Des crises freinent plusieurs fois la croissance économique. La répartition du bien-être et les possibilités d’ascension sociale demeurent très inégales et de larges couches de la population vivent dans la menace constante de la paupérisation. Avec la mobilité croissante et l’arrivée de nouvelles formes d’activité lucrative telles que le travail en usine, les familles et les communautés villageoises ont de plus en plus de mal à faire face aux conséquences de la misère et de la pauvreté. Parallèlement, l’Etat libéral ne développe pas massivement l’aide publique aux nécessiteux, laissant nombre de tâches d’assistance à des associations privées, à des caisses de secours coopératives ou syndicales et aux Eglises.

Longtemps envisagé sous l’angle du « paupérisme », le problème de la pauvreté est abordé à partir de 1850 environ comme une « question sociale », ce qui reflète l’importance grandissante de la classe ouvrière, ainsi que l’adhésion d’une partie du mouvement ouvrier à une politique réformiste (en opposition à une vision révolutionnaire centrée sur la lutte des classes). Les organisations caritatives, qui prônent une éthique de la responsabilité individuelle et voient dans la pauvreté la conséquence de défaillances morales, jouent pendant des années un rôle important dans cette discussion. Avec la crise économique des années 1870 et l’érosion du modèle de société libéral, même l’élite bourgeoise en vient à soutenir l’idée d’une « réforme sociale » à l’échelle de l’Etat. L’idée progresse que l’Etat, en tant que « représentant des intérêts généraux », doit s’entourer d’experts et intervenir dans la vie économique en faveur des groupes socialement défavorisés. Les divergences subsistent toutefois quand à la forme et aux dimensions à lui conférer.

Literatur / Bibliographie / Bibliografia / References: Degen Bernard (2006), Entstehung und Entwicklung des schweizerischen Sozialstaates, Studien und Quellen, 31, 17–48; Studer Brigitte (1998a), Soziale Sicherheit für alle? Das Projekt Sozialstaat 1848–1998, in B. Studer (ed.), Etappen des Bundesstaates. Staats- und Nationsbildung in der Schweiz, 159–186, Zürich; HLS / DHS / DSS: Question sociale.

(12/2014)